Une cour d’appel américaine vient d’élargir le champ d’application du Communication Decency Act à certains sites d’agences matrimoniales. Cette décision confirme la tendance jurisprudentielle américaine actuelle.
Par une décision du 13 août 2003 [findlaw.com], la Cour d’appel des Etats-Unis du 9ème circuit vient de compléter la jurisprudence relative au champ d’application du régime de responsabilité allégé des intermédiaires techniques prévu à la section 230 duCommunication Decency Act de 1996. En l’espèce, le litige concernait le site d’une agence matrimoniale virtuelle Matchmaker.com, aujourd’hui propriété de Lycos.
Moyennant le paiement d’un prix, un internaute peut s’inscrire sur le site et créer son profil en indiquant plusieurs informations le concernant : âge, apparence physique, intérêt, photographie, etc… Pour aider à la création de ce profil, le site pose plus d’une cinquantaine de questions à l’internaute évoquant aussi bien sa personnalité que les raisons pour lesquelles il a décidé de rejoindre le service. Néanmoins, le site interdit formellement aux internaute d’indiquer leur nom de famille, leur adresse postale, leur numéro de téléphone ou leur adresse email dans les parties visibles du profil. Enfin, le site vérifie chacune des photographies avant leur publication sur le site.
Au cours du mois d’octobre 1999, un internaute berlinois s’est connecté sur Matchmaker.com et a inscrit, à l’aide d’une formule à l’essai, l’actrice Christianne Carafano sous le pseudonyme Chase529. Cet internaute utilisa les photographies de l’actrice disponible sur la toile mondiale pour illustrer le profil, indiqua plusieurs titres des films auxquels elle avait participé, donna l’adresse de la résidence de l’actrice ainsi qu’une adresse de courrier électronique équipée d’un répondeur qui communiquait automatiquement le numéro de téléphone de celle-ci. Cette dernière décida de saisir la justice à l’encontre du site sur le fondement notamment d’atteinte à la vie privée.
Pour se défendre, Matchmaker.com revendiqua l’application de la section 230 du Communication Decency Act. Ce texte précise que « No provider or user of an interactive computer service shall be treated as the publisher or speaker of any information provided by another information content provider« . Ce texte évite ainsi qu’un intermédiaire technique ne soit poursuivi pour des contenus auquel il permet d’accéder et dont il n’est pas l’auteur. Traditionnellement appliqué aux hébergeurs et aux fournisseurs d’accès, il avait été récemment étendu aux sites de ventes aux enchères en ligne à la suite de la publication de commentaires diffamatoires postés par des internautes et aux messages postés dans un espace de discussion. Pour sa part, Christianne Carafano invoquait le fait que le site avait présélectionné, dans le cadre des 62 questions à choix multiples offertes, le contenu qui allait être publié et que dans ces conditions il ne pouvait être regardé comme un simple intermédiaire technique.
Rejetant cet argument, les juges américains considèrent que « le questionnaire facilitait l’indication des informations par les utilisateurs individuels (…) la sélection des réponses étant laissé exclusivement à la discrétion de ces derniers. (…) Matchmaker ne peut être tenu responsable, même partiellement, de l’association de certaines réponses à choix multiples avec un ensemble de caractéristiques physiques et une photographie« . Dans ces conditions, la cour d’appel estime que « Matchmaker ne peut être considéré comme un fournisseur de contenu au sens de la loi dès lors qu’un profil ne contient aucun contenu jusqu’à ce qu’un utilisateur procède à son activation« .